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jeudi 8 mars 2012

Haiti:La capitale entre sang et peur...

Pour le mois de février 2012, la morgue de l'HUEH a reçu 62 morts par balle et déjà 19 entre le 1er et le 7 mars. Dans la capitale, on vit entre le sang et la peur renforcée par l'incapacité des autorités policières et judiciaires à établir les mobiles de ces crimes encore moins à retrouver les coupables.

8 heures 54 a.m. L'odeur du formol, plus forte que d'habitude, frappe, à quelques pas de l'entrée de la morgue de l'HUEH, mercredi 7 mars 2012. Adossés à un pan de mur d'un vert pâle, quelques croquemorts sont à l'affût de parents venus identifier les cadavres de leurs proches à cette morgue où, selon la loi, doivent être enregistrés tous les morts suspects, et particulièrement les morts par balle, dans la communauté urbaine de Port-au-Prince.

« Et il y en a ces derniers temps », soupire un membre du personnel, visiblement préoccupé. « Entre le 1er et le 29 février 2012, la morgue a reçu 84 morts, dont 62 par balle », confie-t-il, craignant que la tendance à la hausse ne persiste. « On est déjà à 19 morts par balle pour le début du mois de mars », ajoute cette source, qui puise ses données dans le lourd et sinistre registre d'admission de la morgue dans lequel les noms d'un juge, d'un avocat et de nombreux anonymes sont inscrits .

« Les infos sur les blessés par balle ne sont pas encore disponibles, mais je peux vous dire que ceux qui tirent tirent pour tuer », souligne une autre source, proche de la salle des urgences de l'HUEH.

Mardi, un ancien gouverneur de la Banque de la République d'Haïti, un ancien colonel et des illustres inconnus ont trouvé la mort par balle. La PNH et les forces de la Minustah ont mené des opérations ce mercredi. Aucun bilan n'est encore disponible

Grande préoccupation

« La situation est très préoccupante », selon Pierre Espérance, l'un des responsable du RNDDH. Le défenseur des droits humains, tranchant, fait le lien entre cette nouvelle flambée de la criminalité et la conjoncture.

L'instabilité politique due au conflit entre le Parlement et la présidence, la présence de groupes armés en certains points du territoire et l'absence de sérénité au sein de la PNH participent à la dégradation de la sécurité des citoyens et des citoyennes, explique Espérance, limpide, évoquant ce qu'il faudra faire.

Les autorités politiques doivent trouver un modus operandi pour sortir le pays de l'instabilité, appelle Pierre Espérance. « Les autorités, poursuit-il, doivent aussi prendre des mesures pour déloger des attachés et des bandits armés dont les agissements sont totalement opaques ».

Il faut rétablir la sérénité au sein de la PNH. Le président Michel Joseph Martelly doit clarifier sa position sur le respect du mandat de Mario Andrésol à la direction générale de la PNH, qui arrive à son terme en août 2012, enjoint Pierre Espérance. « Le président doit dire s'il est pour ou contre le chambardement au sein de la PNH où il y a chaque semaine depuis le mois de mai 2011 des rumeurs de démission du chef de la police », confie-t-il.

Tant de forces en présence

« C'est un secret de polichinelle que Mario Andrésol n'est pas dans les bonnes grâce de Martelly », analyse tranquillement un sénateur de la République. 
Si ce désaveu décuple l'appétit de proches du chef de l'Etat brûlant d'envie d'occuper ce poste, il fragilise encore plus la PNH. « On est dans le grand flou et il y a plusieurs secteurs armés n'ayant pas nécessairement les mêmes ancrages politiques qui sont dans une période d'observation nerveuse », ajoute ce sénateur qui craint que tous les leviers de contrôle de la sécurité des vies et des biens n'échappent au pouvoir », ajoute-t-il.

« Certains, poursuit-il, sont pour le chaos, d'autres pour le maintien de Martelly au pouvoir. Cela se complique et il y a plein d'irritants susceptibles de rendre la situation générale du pays encore plus complexe.»

« L'incapacité des autorités policières et judiciaires à faire la lumière sur les mobiles des assassinats renforce le sentiment général d'insécurité », selon un inspecteur de police qui craint d'un autre côté le renforcement des capacités logistiques du narcotrafic en Haïti. Par ailleurs, avec un gouvernement démissionnaire, un CSPN sans grande emprise sur la sécurité, l'avenir immédiat suscite beaucoup d'inquiétudes.

« Au quotidien, on vit dans la peur d'être tué. Et personne n'est épargné », jette, dépité, un médecin dans la quarantaine.

« Nous sommes dans une situation de grande confusion politique. A chaque fois que le pays traverse des périodes similaires, il y a un ensemble de faits qui ont une incidence directe sur la sécurité du pays, a reconnu le directeur général de la Police nationale, mario Andrésol dans une récente interview accordée au journal, le 28 février 2012. A chaque fois qu'il y a des troubles politiques, l'insécurité augmente. »

Tout a commencé, a-t-il poursuivi, avec la saisie des trois cents kilos de cocaïne et l'arrestation des trafiquants : le marché de Tabarre a brûlé, il y a les rumeurs qui annoncent ma démission... il y a sans doute un secteur qui a intérêt à faire cela.

Mario Andresol dit être très préoccupé par le climat d'insécurité qui règne depuis un certain temps dans le pays. « Il y a des têtes qui sont de retour au pays, lesquelles étaient impliquées dans les cas de kidnapping, meurtre, trafic de la drogue et le trafic d'armes et de véhicules volés entre Haïti et la République dominicaine», a-t-il informé.

Le président de la République, Michel Joseph Martelly, n'est pas du même avis que le chef de la police. « L''insécurité n'est pas en hausse dans le pays », a-t-il déclaré lundi dernier à la presse. D'après lui, on ne peut pas parler d'insécurité à partir de deux ou trois crimes. C'est aussi l'avis du représentant de la Minustah, Mariano Fernández Amunátegui, qui a fait savoir que des dispositions sont adoptées en vue de forcer les hommes en armes, en treillis militaires, à quitter les anciennes bases des Forces Armées d'Haïti (FAd'H) qu'ils occupent actuellement.

Une enquête réalisée par des firmes canadienne et brésilienne a, pourtant fait état d'une augmentation des cas d'insécurité en Haïti. D'après l'étude réalisée par les chercheurs Athena Kolbe et Robert Muggah, avec le support du Centre de recherches pour le développement international, une société d'État canadienne, et l'Institut Igarape, un organisme à but non lucratif brésilien, le nombre de crimes commis dans les grandes villes d'Haïti a considérablement augmenté au cours des six derniers mois.
 Source: Le Nouvelliste

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