Le chef de l'Etat, Michel Joseph
Martelly, a été identifié, jeudi, comme auteur intellectuel de
l'arrestation en octobre 2011 du député Arnel Bélizaire, dans un rapport
soumis à Levaillant Louis-Jeune, président de la Chambre basse. Les
recommandations de la commission d'enquête spéciale sont assorties de
menaces de sanctions.
« L'ordre d'arrêter le député Arnel Bélizaire venait
directement du président Michel Martelly », a confirmé Me Danton Léger,
président de la commission d'enquête spéciale diligentée depuis deux
mois par la Chambre basse. Le rapport de la commission qui a interviewé
plusieurs ministres dont celui de l'Intérieur, des Collectivités
territoriales et de la Défense nationale, Thierry Mayard-Paul, est
déposé au bureau de la Chambre des députés, a annoncé Me Léger.
« Quand le président viole la loi, il doit y avoir des sanctions », a
laconiquement répondu le député de Léogâne, interrogé par des
journalistes accrédités au Parlement. Le rapport, dit-il, contient une
kyrielle de recommandations. Il revient à l'Assemblée des députés de
prendre les sanctions nécessaires, a indiqué le parlementaire-juriste. «
Que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cour vous
rendront blanc ou noir », a philosophé le député Danton Léger en
allusion au statut de Michel Martelly.
L'arrestation suivie d'une nuit d'incarcération d'Arnel Bélizaire avait
provoqué la démission du ministre de la Justice, Josué Pierre-Louis,
sous la menace d'une motion de censure du Sénat de la République. Député
de Delmas/Tabarre, Arnel Bélizaire, qui avait un contentieux ouvert
avec le chef de l'Etat, avait été arrêté le 27 octobre 2011 sur le
tarmac de l'aéroport international Toussaint Louverture, à son retour
d'une mission officielle en France. Les relations sont, depuis lors,
tendues entre la présidence et le Parlement.
Dans la foulée de l'affaire Bélizaire, une commission d'enquête sur la
nationalité du président Michel Martelly et de tous les membres du
gouvernement a été créée. La commission sénatoriale d'enquête spéciale
pourra jouer un rôle clé dans le processus de ratification du ministre
démissionnaire des Affaires étrangères, Laurent Lamothe, désigné comme
successeur de Garry Conille à la Primature. « Nous allons demander des
informations sur la nationalité du Premier ministre désigné à la
commission d'enquête sénatoriale », a indiqué le sénateur Jean Rodolphe
Joazile, président du conseil qui analyse les 58 documents soumis par
Laurent Lamothe.
Deux sous-commissions sont créées pour travailler sur la nationalité et
la résidence du candidat à la Primature. « Des experts en résidence sont
consultés avant de soumettre notre rapport le 28 mars 2012 au bureau du
Sénat », a annoncé le sénateur François Lucas Saint-Vil, secrétaire
rapporteur de la commission de vérification des pièces de Lamothe.
L'Assemblée devra décider le 29 mars du sort de Laurent Lamothe. Si
l'ex-tennisman saute le premier écueil, son dossier sera déposé et
analysé à nouveau par les députés avant de pouvoir former son
gouvernement et présenter l'énoncé de la déclaration de sa politique
générale.
Laurent Lamothe, qui aurait été nommé consul honoraire de Surinam en 2010, devra acheminer des pièces supplémentaires à la commission, a fait savoir le sénateur François Lucas Saint-Vil.
Les consultations pour dégager une majorité favorable au Premier ministre désigné sont timides au Sénat de la République. « Ce sont les consultations qui vont permettre de dégager la majorité, a vaguement répondu le sénateur Youri Latortue, joint au téléphone par le journal. J'ai été informé du choix de Laurent Lamothe par le président Michel Martelly et les consultations devraient commencer au Sénat. »
« Si une seule des pièces du Premier ministre désigné n'est pas conforme, je voterai contre son choix », prévient, pour sa part, le sénateur Steven Benoît. L'ex-député de Pétion-Ville a dépoussiéré, en début de semaine, une proposition de loi sur « les affaires courantes » liquidées par un gouvernement démissionnaire, abandonnée dans les tiroirs de la Chambre des députés. Sans modification aucune, dit-il, cette proposition de loi a été déposée au Sénat où il siège depuis un an. Cette proposition est ressuscitée dans le contexte de la démission de Garry Conille depuis près d'un mois.
Claude Gilles et Jean-Pharès Jérôme
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