Nombre total de pages vues

mercredi 11 avril 2012

800 pesos pour chaque 15 jours passé en territoire dominicain

Passer plus de quinze jours en République voisine, quand on est détenteur d'un visa d'un an peut faire mal. Le cas de ces voyageurs arrivés dimanche dans la partie dominicaine de la frontière est patent.


         8 avril 2012, 5h p.m.- après un long voyage sans problème, l'autobus qui transporte une trentaine de passagers en provenance de Saint-Domingue s'arrête un instant. Une escale de routine pour remplir les formalités d'usage. La majorité des voyageurs descendent et prennent la direction du bureau de l'immigration dominicain. Les passeports sont passés au crible et visés. Deux ou trois voyageurs se terrent dans le véhicule. Après une quinzaine de minutes, chacun regagne son siège. C'est le moment de partir... Soudain, un homme d'une trentaine d'années s'y introduit in extremis. Il demande aux occupants restés à bord de présenter leur passeport. Un seul s'y soumet. Les autres boudent. L'agent de l'immigration insiste, mais en vain. Le ton monte. Le chauffeur et l'hôtesse à bord protestent et s'en prennent à l'agent, dans un espagnol musclé. L'engin se vide.

                    Les passagers haïtiens sont révoltés par ce qu'ils appellent une « discrimination ». L'un d'eux, Maurice, explique d'une voie étranglée par l'émotion: « Ils nous traitent n'importe comment. Mais quant à eux (les Dominicains) foulent notre sol, ils entrent en prince. Nous devons fermer la frontière et leur économie sera asphyxiée». Des passagers des deux autobus vont et viennent, sous un soleil de plomb. L'heure avance. Des nuages se regroupent par endroits, dans ce ciel bleu de la zone frontalière. Elles recouvrent les eaux verdâtres du lac Enriquillo. Le conflit larvé ne trouve toujours pas d'issue. Dans la cour, les militaires dominicains veillent au grain et se pavanent. Le patron de l'immigration, physique de judoka, lunettes noires et teint foncé, refuse de répondre aux questions de la presse. Un employé non loin de lui tente d'y apporter une explication dans un espagnol guttural : « Nous appliquons la loi. Les personnes munies d'un visa d'un an ne peuvent pas passer plus de quinze jours chez nous. Si tel est le cas, ils doivent payer les taxes nécessaires. Soit 800 pesos par mois passé en territoire dominicain. Certains contrevenants peuvent éviter tout contrôle et se retrancher dans les voitures ».

              Le blocage de l'autobus blanc serait assimilé au refus par quelques passagers de présenter leurs documents de voyage pour vérification. Ceux qui ne sont pas descendus du bus auraient, par cette attitude, voulu, sans doute, éviter de payer les taxes exigées. Les mesures prises par Santo Domingo révoltent les consciences de ces jeunes. Mais un douanier haïtien, commentant en off la situation vécue par ses compatriotes, n'hésite pas à souligner que la République dominicaine applique ses lois. Le ministre sortant des Affaires étrangères, Laurent Lamothe, s'était voulu rassurant fin mars, au terme d'un voyage au pays du mérengué. Il avait annoncé avec triomphalisme d'éventuelles consultations entre Port-au-Prince et Santo Domingo pour trouver une issue aux amendes imposées aux Haïtiens.

La diplomatie made in Haiti dans cet épineux dossier accouchera-t-elle d'une souris? La partie n'est pas gagnée d'avance. Les fonctionnaires dominicains de la zone frontalière ne sont que des exécutant qui appliquent une loi approuvée par le Parlement de leur pays. Démonter un tel mécanisme ne sera pas de tout repos. Surtout quand les sommes versées par ceux qui ne respectent pas les délais de séjour requis gonflent les caisses de l'Etat voisin.D'ici-là, les immigrants haïtiens continueront à se plaindre; à implorer l'appui de leurs dirigeants, à chaque fois qu'ils se sentiront « humiliés ».
Belmondo Ndengué
bndengue@yahoo.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire