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vendredi 6 avril 2012

Danser la vie et la mort dans les groupes rara


La saison des rara mobilise les lakou, les bandes les plus populaires, dès le mercredi des cendres jusqu’au lundi Sainte Colette. La fête se répand à Léogâne, à Miragoâne et surtout dans l’Artibonite.

Accords de bambous et déferlements de rythmes permettent aux fêtards de gérer à merveille leurs tours de reins. Des jeunes filles en fleurs et des femmes âgées aux robes très colorées offrent aux curieux leurs déhanchements de reines magnétiques lors des sorties. Ti Mepriz, La Fleur du Dal, San Lizyè et d’autres groupes de l’Artibonite créent l’animation à Borel pendant la saison. L’aide de la diaspora haïtienne compte beaucoup pour les Artibonitiens.

La musique rara est en train de se transformer à un tel point que les artistes, tels que Wyclef Jean, l’exploitent bien, ou mieux l’intègrent par endroits dans leur travail. Wyclef veut faire sa mini-révoltion hip-hop avec le rara .
Depuis les années 70-80, des instruments purement modernes, en tout cas différents des vaccines, des tchas tchas alimentent les groupes rara. On citera en exemple le saxophone, la trompette, la flûte…
Le rara superélectronique attend son synthétiseur et ses programmes archiparfaits. Les Japonais ont les yeux ouverts sur Azor dont la musique vodou rappelle souvent le rara haïtien.

Des caméras de jeunes réalisateurs filment les défilés rara à Léogâne, à l’Arcahaie et dans l’Artibonite. Les films vidéo rara permettent à la communauté haïtienne ultramarine d’être en contact avec la terre nourricière.
Comme aucun signe des temps, le tuyau PVC comme on le dit couramment en Haïti, remplace le bambou des temps passés. Les maillots des participants sont souvent couverts de slogans anglais. Les vêtements usagés appelés ordinairement Kennedy comblent un vide. Pourtant les entreprises commerciales et bancaires du pays si vigilantes dans la conception d’appareillages carnavalesques.hésitent à financer les bandes. Le rara du « pays en-dehors » aurait-il suscité déjà quelques investissements ?

Les nantis des grandes villes à bord de leur 4x4 font leur démonstration de force à travers les campagnes haïtiennes réputées pour leur rara. Les bouteilles de whisky, de Cinzano, de Raphaël font le bonheur des vendeurs de boissons et la joie des festivaliers.

Le rara à force de se métamorphoser reprend parfois des chants carnavalesques des villes. La chorégraphie vodou tend par endroits à s’américaniser. On se laisse facilement envahir par des costumes et des chaussures hors-normes : blue jeans, tee-shirt, tennis Nike, Puma, Adidas., Converse… Les dollars américains, via western union, maintiennent en vie de telles festivités champêtres. .

Le rara reste toujours festif. Jeunes et vieux s’enivrent de chansons salées et d’accords perdus. On se demande si cette forme de catharsis collective est une forme de contre-expertise de la globalisation ou une expérience limite de la fascination exercée en Haïti par les jeunes pour la culture impériale nord-américaine.
Peut-on danser aujourd’hui le rara comme on danse le rap-ragga? Oserait-on associer les costumes rara à ceux des trois jours gras? Pourquoi cette fête populaire n’attire-t-elle pas une grande masse de touristes?

Depuis le mouvement de révolte de février 1986, Haïti aurait été presque rayée de la carte touristique mondiale. La surmédiatisation de ce pays annonce-t-elle des clairs matins pour les groupes rara et les artistes haïtiens en général?

Dominique Batraville

Dominique Batraville

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